« Vis… tu dois vivre » : Le récit d'une renaissance intérieure
- Pascal Ivanez
- 30 avr.
- 3 min de lecture
J'avais tout nettoyé. Fait le ménage à fond dans la maison. Je m’étais lavée, parfumée, bien habillée, comme pour une dernière cérémonie. J’avais écrit une lettre à mes parents — courte, propre, presque polie. J’avais bu, juste assez pour engourdir le cœur sans trembler. J’avais préparé le dernier verre, posé calmement à côté des médicaments. J’étais prête. À partir. À quitter.
C’est là que c’est arrivé.
Juste avant d’avaler le cocktail, une voix a traversé l’air — mais pas avec les oreilles. Une voix qui vibrait dans les murs, dans ma poitrine, dans mes os. Une voix d’homme ou de femme...je sais plus, mais pas n’importe quelle voix. Une voix ancienne, impériale, immense. Une voix qu’on n’oublie jamais.
« Vis… tu dois vivre… Je t’ai créée pour cela. Je t’ai façonnée à mon image… Tu es une belle créature… brisée, peut-être… mais ta destinée n’est pas de mourir aujourd’hui. »
Et là, tout a craqué.
Mon corps s’est mis à trembler. J’ai pleuré. Pas comme dans les films. J’ai hurlé sans un son, vidé les barrages, pleuré toutes les larmes jamais versées. Mes joues brûlaient, mes poumons étaient en feu, mon ventre se tordait. J’ai senti chaque fragment de douleur, chaque souvenir enfoui remonter. Chaque dégoût, chaque rejet, chaque "tu ne vaux rien" inscrit dans ma chair. Je les ai tous touchés. Toutes les ombres. Une par une. Sans filtre. Sans armure. J’étais nue. Ouverte. Saignante d’âme.
Puis je me suis effondrée. Pas au sol — sur le lit. Le corps secoué, vidé, trempé de larmes. Et là, comme bercée par l’épuisement, je me suis endormie.
Quand je me suis réveillée, il faisait jour.
Le silence était étrange, comme si la maison entière retenait son souffle. Le verre était encore là, intact. Les médicaments n’avaient pas bougé. Moi non plus. J’étais vivante. Et j’avais mal partout. Mais ce n’était plus la douleur du désespoir. C’était celle d’un corps qui revient. D’un cœur qui réapprend à battre.
J’ai mis du temps à me lever. À marcher. À comprendre. Il n’y avait pas d’anges, pas de miracle visible. Juste cette voix. Et ce souffle. Quelque chose — ou quelqu’un — avait parlé. Était-ce Dieu ? Mon guide ? Mon double ? Mon âme ? Je ne sais pas. Mais je sais ce que ça a fait. Ça m’a rappelée à moi-même.
Je n’étais pas revenue pour recommencer la même vie.
Je suis revenue pour faire autrement. Pour écouter. Pour plonger. Pour aimer, peut-être. Mais surtout… pour sentir. Vraiment. Pleinement.

Les jours suivants ont été flous. Mon regard n’était plus le même. Chaque objet semblait chargé de sens. Chaque respiration, précieuse. J’étais encore fragile, mais j’étais là. Présente. Et j’ai décidé de ne plus fuir. Plus comme avant.
Je ne suis pas devenue une autre. Je suis devenue plus moi. Plus brute. Plus sensible. Plus vivante, peut-être.
Aujourd’hui, je n’ai pas toutes les réponses. Il y a encore des jours d’ombre, des soirs trop longs, des vertiges. Des moments où je voudrais dormir mille ans. Mais il y a aussi des jours où je sens que cette nuit-là, où j’ai failli dire adieu au monde, a planté une étoile dans mon ventre. Et que cette étoile grandit. Lentement. Patiemment.
Et puis il y a cette voix, désormais. En moi. Et parfois, quand le monde devient trop lourd, je l’entends encore :
« Vis… tu dois vivre… Je t’ai créée pour cela. Je t’ai façonnée à mon image… »
Alors je pleure. Encore, parfois. Mais je ne m’effondre plus. Je me rappelle que même dans le plus noir, il peut y avoir un rappel. Une lumière. Une vibration plus grande que la douleur.
Je suis restée.
Et maintenant, j’essaie de me souvenir… de ce que je suis venue incarner ici. De ce que cette belle créature, faite à son image, est censée offrir au monde. Pas pour briller. Pas pour plaire. Juste pour exister. Alignée.
Et peut-être qu’un jour, une autre âme perdue tendra la main vers le verre. Et peut-être que ma voix, ou la tienne, ou celle d’un amour ancien, viendra lui souffler :
« Tu n’es pas seule. Tu n’as pas fini de vibrer. »
Et peut-être… peut-être que cet homme qui écrit, celui qui m’a écoutée, écrit pour celle qui hésite encore. Pour celle qui pleure seule, un soir. Pour lui dire : je t’ai vue. Je t’ai entendue. Tu n’es pas seule. Ton histoire n’est pas finie. Peut-être qu’elle commence… là. Dans ce cri que tu retiens. Dans cette larme qui glisse.
Et si tu tends bien l’oreille, peut-être que toi aussi, tu entendras cette voix.
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