On le sait bien, les mots ont ce pouvoir étrange. On peut dire quelque chose avec la plus grande neutralité, et en face, ça résonne comme une cloche de jugement. D’un côté, on a l’intention, et de l’autre, la perception. Entre les deux, il y a un océan fait de filtres, de blessures, de souvenirs et d’histoires qui appartiennent à chacun. Finalement, la question n’est pas de savoir si l’on doit changer notre façon de parler, mais plutôt de regarder ce qui, en nous, réagit si fort aux mots de l’autre.
Imagine une situation : tu dis quelque chose d’aussi simple que "Je trouve ça intéressant." Pour toi, ça n’est ni bon ni mauvais, juste une curiosité. Mais voilà que l’autre réagit en pensant que tu remets en question son point de vue ou que tu sous-entends un reproche. Pourquoi ce décalage ? Parce que chacun entend les mots à travers son propre prisme, nourri de son vécu, de ses expériences, de ses peurs et de ses espoirs. Ce n’est donc pas forcément le mot qui dérange, mais ce qu’il vient réveiller.
C’est facile de dire que c’est à l’autre de changer sa perception, mais en réalité, chacun de nous porte un miroir intérieur. Ce miroir reflète notre vision de nous-mêmes et du monde. Plus ce miroir est clair, moins les mots nous perturbent. En revanche, plus il est chargé de poussières, de doutes et de blessures, plus les mots deviennent des projectiles. La sagesse, c’est peut-être de prendre le temps de nettoyer ce miroir au lieu de blâmer les mots qui l’atteignent.
Dans cette optique, l’idée n’est pas de changer de langage pour s’adapter à tout le monde, mais d’offrir à chacun la possibilité de transformer sa perception des mots. Changer sa vision, c’est cultiver cette capacité à accueillir ce que l’on entend sans l’alourdir de jugements immédiats. C’est un travail qui demande de la patience et de l’humilité, car il nous renvoie directement à notre intérieur, là où se cachent parfois nos plus grands miroirs déformants.
Alors, au lieu de courir après des mots parfaits qui n’existent peut-être pas, pourquoi ne pas essayer d’alléger notre réception des mots des autres ? En regardant ce qui, en nous, se crispe face à certains termes, on découvre souvent bien plus qu’un simple désaccord : on tombe sur des parties de nous qui demandent à être accueillies, à être apaisées. La beauté de ce processus, c’est qu’il ne demande pas aux autres de changer pour nous. Il nous invite, au contraire, à grandir par nous-mêmes.
Les mots sont donc là, comme des balises, des échos qui résonnent différemment selon la profondeur de notre écoute. Si un mot te dérange, demande-toi d’où vient ce bruit intérieur. Peut-être découvriras-tu des espaces en toi qui ont encore besoin de tendresse, de reconnaissance. Ainsi, les mots deviennent des miroirs, des invitations à l’introspection, et non des armes ou des jugements.
Au fond, en acceptant cette responsabilité dans notre perception, on se libère du besoin de contrôler l’autre. On devient alors plus léger, plus serein. Les mots, eux, peuvent continuer de danser autour de nous, sans plus nous piquer, car ils ne sont finalement que des sons, des formes, et c’est nous qui leur donnons vie.
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