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Ce n’est pas le passé qui te façonne, mais ce que tu en fais

On dit souvent : “Ce qui t’est arrivé détermine qui tu es.”

Mais cette phrase, qu’on répète presque sans y penser, enferme souvent plus qu’elle ne libère. Elle suppose que l’être humain est condamné à rejouer sans fin son passé, comme si chaque événement laissait une empreinte indélébile dans la chair et la mémoire. Freud voyait d’ailleurs l’homme ainsi : modelé par ses blessures, guidé par ses manques et ses désirs inconscients.


Et pourtant, une autre vision existe, plus ouverte, plus vivante — celle d’Alfred Adler. Pour lui, le passé ne dicte rien ; il ne fait que proposer un terrain. Ce n’est pas l’histoire qui nous façonne, mais la manière dont nous décidons de marcher à partir d’elle. C’est à ce moment-là que commence la véritable liberté intérieure.



Il y a des phrases simples qui bouleversent tout. Celle d’Alfred Adler en fait partie : « Ce qui importe, ce n’est pas ce que tu as reçu à la naissance, mais ce que tu en fais. »


Adler, ce psychiatre autrichien du début du XXe siècle, voyait l’être humain non pas comme le produit figé de son passé, mais comme un être en mouvement, capable de se redéfinir à chaque instant. Pour lui, le passé n’existe plus. Il n’existe que les liens que nous continuons d’entretenir avec lui. Ces liens, ce sont des émotions, des croyances, des réflexes, des attitudes héritées de ce que nous avons vécu ou observé. Ils ne sont pas le passé lui-même, mais les traces vivantes que nous gardons dans notre corps, notre psyché, notre mémoire.


Si tu vis une dispute, une douleur, une injustice, et que tu arrives à l’accueillir, à la traverser sans t’y accrocher, alors une fois le moment passé, il disparaît. Il n’a plus de prise sur toi. Mais si tu restes bloqué, si tu ressasses, si tu ressens que quelque chose en toi reste contracté, alors l’événement laisse une empreinte. Il crée un lien énergétique, émotionnel, parfois inconscient, qui continue d’agir en toi bien après que la scène soit terminée. Ce n’est pas le passé qui agit, c’est le lien que tu n’as pas encore relâché.


Ce mécanisme, on le retrouve aussi dans ce qu’on appelle le transgénérationnel ou les constellations familiales. Les blessures, les non-dits, les traumatismes non intégrés d’une génération ne survivent pas dans le temps en tant qu’événements, mais par les liens qu’ils ont laissés. Des émotions non digérées, des peurs non reconnues, des loyautés invisibles se transmettent comme des ondes. Ce n’est pas le passé des ancêtres qui agit sur toi, mais la mémoire vivante de ce qu’ils n’ont pas pu traverser. Tant que tu portes ce lien, tu peux rejouer inconsciemment leurs histoires, jusqu’à ce que tu en prennes conscience et que tu choisisses de les transformer.


Ce choix, Adler l’appelait le courage de changer de direction. Il disait que l’être humain ne se définit pas par ce qu’il a vécu, mais par le but qu’il poursuit. Si tu restes fixé sur ton passé, tu continues de créer des objectifs qui en sont la prolongation. Tu répètes les mêmes schémas parce que, sans t’en rendre compte, tu cherches à corriger ou à compenser ce qui a été. C’est pour ça que beaucoup de gens disent : « Si j’avais plus d’argent, si j’avais plus de temps, si j’avais un lieu, si j’avais le soutien… »


Mais ces si ne sont pas des conditions extérieures. Ce sont des voiles intérieurs qui te maintiennent dans le connu. Ils te donnent une excuse élégante pour ne pas te confronter à l’inconfort du vrai changement.


Le courage, c’est justement d’oser sans les si. D’agir avec ce que tu as, là, maintenant. Parce que la vraie transformation ne naît jamais d’un confort, mais d’un pas vers l’inconnu. Tant que tu attends que les conditions soient parfaites, tu restes dans le passé. Et chaque si devient un lien de plus entre toi et ce que tu cherches à quitter.


Cette logique est la même avec la maladie. Quand on dit « ma maladie », « mon cancer », « mon diabète », on s’identifie à un état, on crée un lien d’appartenance. On ne fait pas que la nommer, on l’intègre à notre identité. Mais la maladie, au fond, n’est qu’un langage du corps, un message. Elle peut devenir un bagage. Elle n’a rien d’une punition. Elle t’invite à écouter ce que tu n’as pas voulu entendre, à ralentir là où tu allais trop vite, à réorienter ton énergie vers ce qui est vivant. Si tu la vois comme une part de toi à aimer et à transformer, elle devient enseignement. Si tu t’y attaches comme à une étiquette, elle devient prison.

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Faire un vrai travail sur soi — que ce soit à travers la thérapie, l’énergétique, la méditation, ou l’écoute du corps — c’est apprendre à dissoudre les anciens liens tout en cessant d’en créer de nouveaux. Peu à peu, tu deviens plus transparent. Les événements continuent de survenir, bien sûr, mais ils ne te marquent plus. Ils passent à travers toi comme le vent traverse un champ de blé : ils plient les épis un instant, puis tout se redresse. La vie ne cesse pas d’agir, mais tu apprends à la laisser circuler sans t’y accrocher.


Alors, peu à peu, tu comprends que tu n’es pas ton histoire, ni tes blessures, ni même tes guérisons. Tu es le mouvement qui transforme tout cela. Le passé devient une bibliothèque dont tu peux tirer des enseignements, pas une prison où tu retournes sans cesse. Et ce qui t’arrive n’est plus une fatalité, mais une matière vivante que tu peux modeler.


C’est là qu’une autre compréhension s’ouvre, bien plus ancienne encore, qui vient du grec antique. Chez les anciens Grecs, le mot agathós, qu’on traduit par “bon” ou “bien”, ne signifiait pas “gentil” ni “vertueux”. Il voulait dire “efficace, bénéfique, adapté, utile”. Et son contraire, kakós, le “mal”, signifiait simplement “inefficace, inutile, inadapté”. Rien de moral, rien de religieux. Juste une observation du réel. Ce qui apporte un bénéfice est bon. Ce qui n’en apporte pas est mauvais.


Ce sens originel, bien avant que la morale ou la religion ne s’en mêlent, invite à sortir de la dualité entre le bien et le mal. Il n’y a plus d’armée de la lumière contre les ténèbres, plus de combat intérieur entre vertu et faute. Il y a simplement un discernement : voir ce qui nourrit et ce qui appauvrit. Ce qui te fait grandir, ou te fige. Ce qui est vivant, ou stérile.


Alors la vie cesse d’être une lutte entre deux forces opposées. Elle devient une expérience d’équilibre. Le bien n’est plus une obligation morale, c’est un mouvement naturel vers ce qui fait sens, ce qui élève, ce qui crée de la cohérence. Le mal n’est plus un péché, c’est juste un détournement d’énergie, un mouvement qui n’apporte pas de fruit. Et dès que tu en prends conscience, tu peux réorienter le flux, simplement, sans te juger.


Tu comprends alors qu’il n’y a ni punition, ni faute, ni destin à subir. Il n’y a que des directions, et la possibilité constante de choisir à nouveau. Ce choix ne dépend pas du passé, ni des blessures, ni des circonstances. Il dépend du présent conscient : de ta capacité à écouter ce qui, en toi, apporte un bénéfice réel — pour ton corps, ton cœur, ton esprit.


Et quand tu marches dans cette conscience, tu n’as plus besoin d’attendre. Plus besoin de dire si j’avais... ou si j’étais... Tu es déjà en train de créer le neuf. Tu vis sans guerre, sans masque, sans devoir rattraper ce qui a été. Tu n’as plus besoin de “faire le bien”, parce que tu es naturellement orienté vers ce qui est bénéfique, vivant, porteur.


Le passé n’existe plus, les traumas se dissolvent, les si s’effacent. Ne restent que les liens que tu choisis d’entretenir — et ceux-là, tu peux les transformer en art, en compréhension, en amour, en présence.


Ce n’est pas ce dont tu as hérité qui te définit, mais la façon dont tu marches avec. C’est là que se trouve toute ta puissance : dans ce mouvement conscient qui transforme le poids en élan, la blessure en ouverture, et la mémoire en lumière.


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