L’ombre. On passe notre vie à essayer de l’éviter, à croire qu’en restant dans la lumière, tout ira mieux. Mais il y a un moment où l’ombre te rattrape, et là, tu n’as plus le choix. Moi, je l’ai vue, cette obscurité, en plein visage. Je l’ai regardée droit dans les yeux. Et cette ombre, c’était ma partenaire.
Chaque fois que je me retrouvais face à elle, surtout dans ces moments où l’alcool prenait le dessus, c’était comme si je plongeais dans un abîme. Une partie de moi voulait fuir, s’enfuir loin de cette noirceur, mais une autre restait là, figée. Comme si je savais que je devais affronter ça. Que je devais affronter moi. Parce que ma partenaire, à ce moment-là, ce n’était plus juste elle. Elle devenait ce miroir, ce reflet de toutes les parts de moi que je n’avais jamais voulu voir.
Quand ses traumas refaisaient surface, quand elle entrait dans ces états où elle laissait tout exploser, j’étais submergé par un tourbillon de sensations. Mon cœur battait fort dans ma poitrine, tellement fort que j’avais l’impression qu’il allait lâcher. Mes pensées se bousculaient, tourbillonnant entre l’envie de la calmer, l’espoir que ça s’arrête, et cette peur viscérale : Est-ce que je vais tenir encore longtemps comme ça ?
Il y avait des moments où je voulais fuir. Vraiment. Tout laisser derrière moi, partir et ne jamais revenir. Mais je restais. Parce qu’il y avait cette part de moi qui sentait qu’au fond, c’était aussi mon combat. Ce n’était pas seulement elle contre son passé, contre ses démons. C’était nous. C’était moi face à mes propres ombres. Et c’est là que ça devenait vraiment insupportable.
Il y avait des nuits où elle me renvoyait toute sa douleur en pleine face. Elle me hurlait dessus, me balançait des mots comme des poignards, et moi, je les prenais. Ça brûlait, ça piquait, mais je restais là, immobile. J’avais l’impression que mon corps était un roc, mais à l’intérieur, tout se fissurait. Je me demandais souvent : Pourquoi est-ce que je suis là ? Pourquoi est-ce que j’encaisse tout ça ? Mais je ne bougeais pas. Parce qu’au fond, je savais que ce n’était pas moi qu’elle visait vraiment. Elle parlait à ses blessures, elle parlait à cette part d’elle qui n’avait jamais guéri. Mais moi, j’étais là pour prendre tout ça, comme une sorte de punching-ball.
Et le plus perturbant, c’est que dans ces moments de crise, je me reconnaissais parfois dans ses mots. Pas tout, bien sûr, mais certaines choses qu’elle disait résonnaient en moi, comme des échos de mes propres failles. Elle était mon miroir, même dans ses pires moments. Et ça, c’était dur à accepter. Quand tu te rends compte que l’autre te renvoie une image de toi que tu ne veux pas voir, ça te secoue. Ça te déchire.
J’ai souvent essayé de comprendre cette sensation, cette impression d’être aspiré dans son obscurité. C’est comme si, à travers elle, je devais aussi affronter mes propres démons. Je pensais pouvoir l’aider à sortir de cette ombre, à la sauver d’elle-même. Mais la vérité, c’est que je n’avais aucun contrôle là-dessus. Et plus je me débattais, plus je plongeais avec elle.

Et puis il y avait ces moments de doute, après que la tempête soit passée. Le silence qui s’installait, lourd, pesant. Elle dormait, ou restait là, vide. Et moi, je me retrouvais seul avec mes pensées, ce vide oppressant qui semblait m’engloutir. Est-ce que tout ça sert vraiment à quelque chose ? Est-ce que je ne suis pas en train de me perdre moi-même dans tout ça ?
La lumière, on la cherche tous. On pense qu’elle est là, cachée quelque part au fond de l’obscurité, qu’il suffit de creuser plus profondément pour la trouver. Mais c’est faux. Ce n’est pas en s’enfonçant dans l’ombre qu’on trouve la lumière. On la trouve en ayant le courage de relever la tête, de la regarder en face, même quand ça fait peur, même quand on se sent pris au piège dans l’obscurité.
Ma partenaire m’a montré ça, malgré elle. À travers ses cris, ses douleurs, ses traumas, elle m’a forcé à voir mes propres blessures. Elle m’a appris que l’ombre n’est pas quelque chose que tu peux fuir. Elle fait partie de toi, elle est là, et tu dois l’accepter. Mais l’ombre n’est pas tout. Elle ne te définit pas. C’est en la regardant en face, en l’acceptant, que tu trouves la lumière.
Je me souviens d’une nuit en particulier. Elle venait de s’effondrer après l’une de ses crises. Je l’ai regardée, allongée là, et j’ai ressenti un poids immense sur mes épaules. C’était comme si tout le monde autour de moi s’était arrêté, comme si tout le bruit avait disparu. Il ne restait que ce silence, lourd, pesant, et cette petite voix dans ma tête qui disait : Et toi, où est ta lumière ?
C’est à ce moment-là que j’ai compris. Ce n’est pas en creusant plus profond dans l’obscurité qu’on trouve la lumière. C’est en ayant le courage de regarder cette obscurité en face, de l’accepter, sans s’y perdre. Parce qu’au final, l’ombre et la lumière sont indissociables. Et pour avancer, il faut apprendre à marcher avec les deux.
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