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Les ombres du passé sous l’emprise de l’alcool

Photo du rédacteur: Pascal IvanezPascal Ivanez

L’alcool, c’est un faux ami. Au début, il se glisse doucement, te fait croire que tout va bien, que tu peux tout gérer. Et puis, il te plonge dans un autre monde, un monde où les blessures que tu croyais cicatrisées se rouvrent d’un coup, où les mots qui sortent sont plus tranchants que des lames, où l’intensité de l’instant t’écrase. J’ai vécu ça, encore et encore, avec ma partenaire.


Quand elle buvait, elle ne faisait pas semblant. Des bouteilles entières disparaissaient devant moi, et à chaque gorgée, je voyais son visage changer. Pas de façon immédiate, mais subtilement, comme si quelque chose en elle se déplaçait, une ombre qui gagnait du terrain. J’assistais impuissant à cette transformation, et je savais exactement ce qui allait suivre. C’était toujours pareil, une montée progressive jusqu’à l’explosion. Son regard se perdait quelque part entre la douleur et la rage, et moi… moi, je savais que la tempête arrivait.


Dans ces moments-là, je ressentais une lourdeur incroyable. Une sorte de poids sur ma poitrine, une oppression qui me coupait presque le souffle. Je me demandais souvent ce que je pouvais bien faire là, à encaisser tout ça. Pourquoi je restais alors que je savais comment ça allait finir ? Mais je restais. Parce que je me disais que c’était ma place, que peut-être, d’une manière ou d’une autre, elle avait besoin de moi pour traverser ces moments. Mais au fond, une partie de moi savait que j’étais juste là pour prendre les coups, pour être le punching-ball de ses mots, de ses traumas. Et je me disais aussi que, peut-être, c’était une façon pour moi de régler mes propres comptes avec moi-même.


Quand elle éclatait, c’était comme si ses mots ne m’étaient même pas destinés. Elle hurlait, crachait des choses que je ne voulais pas entendre, et pourtant, je les absorbais. J’avais l’impression d’être un réceptacle. Un réceptacle pour ses blessures à elle. Ça brûlait, ça piquait. Chaque insulte me faisait l’effet d’un coup de poing, mais en même temps, au fond de moi, je savais qu’elle ne parlait pas à moi. Elle se parlait à elle-même. Elle était face à ses propres fantômes, ses propres ombres, et j’étais juste celui qui était là pour recevoir tout ça.


Il y a des moments où j’avais envie de crier aussi. De lui dire d’arrêter, de se regarder dans un miroir, de comprendre que ce n’était pas moi le problème, mais elle. Mais je n’y arrivais pas. Parce que quelque part, ce qu’elle disait faisait écho en moi. Comme si, à travers ses hurlements, ses dérapages, elle me renvoyait à mes propres parts d’ombre. Et là, ça devenait insupportable. Comment réagir quand ce que tu vois dans l’autre, c’est aussi une partie de toi ? On vient de mondes différents, c’est vrai, mais ces moments de crise nous ramenaient à un point commun : nos blessures, nos traumas, qu’on essayait tous les deux d’éviter.


Je me souviens de certaines nuits où je finissais par partir. Je sortais de la pièce, je m’enfermais dans une autre, ou bien je quittais carrément la maison. Je laissais tout derrière moi, son frère venait parfois la calmer, et moi… moi, je restais là, seul avec mes pensées. Je sentais encore le poids des mots qu’elle avait balancés. Mon esprit tournait en boucle, incapable de s’arrêter. Est-ce que c’était ma faute ? Est-ce que j’aurais dû dire quelque chose, réagir autrement ? Ou bien est-ce que j’étais vraiment ce qu’elle disait, quelqu’un de trop faible pour partir pour de bon ?


Et puis il y avait ce silence, ce moment après la tempête, où je me retrouvais face à moi-même. Elle dormait, ou continuait à boire, et moi, j’étais là, seul avec mes doutes, mes questionnements. Chaque dispute nous éloignait un peu plus. Elle prenait des décisions, souvent à chaud, concernant notre couple, et je sentais que quelque chose se brisait à chaque fois. Elle se choisissait elle-même, c’était logique, mais moi… moi, où est-ce que je me situais là-dedans ?


C’est dans ces instants que j’ai compris que l’obscurité n’était pas juste en elle, elle était en moi aussi. Ce que je vivais à travers elle, c’était une partie de moi que je refusais de voir. Une partie sombre, que j’avais toujours cherché à éviter. Et à chaque fois qu’elle s’enfonçait dans l’alcool, qu’elle laissait ses démons remonter, elle me forçait à voir les miens. C’était dur, c’était violent, mais c’était aussi une leçon. Une leçon sur l’ombre et la lumière. Parce qu’au final, ce n’est pas en plongeant plus profond dans l’obscurité qu’on trouve la lumière. Non, il faut la regarder en face, cette lumière. Et pour ça, il faut aussi accepter de voir son ombre.




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