Il y a des objets qu'on porte sans vraiment les voir. Ils sont là, autour de notre cou, sur nos épaules, dans notre esprit, et on s'y habitue. Jusqu'au jour où quelque chose change. C'était le cas avec ce pendentif en forme de croix, que ma femme m'avait offert. Un cadeau, un geste d'amour à l'époque, je pense. Mais au fil du temps, cette croix est devenue trop lourde à porter. Littéralement. Elle me pesait, m'étouffait presque. Chaque fois que je la sentais sur ma peau, une gêne montait en moi, sans raison apparente. Mais peut-être que la raison était bien là, enfouie sous la surface, attendant que je la comprenne.
Cette croix, c'était bien plus qu'un simple bijou. Elle portait en elle le poids de ma relation, de ma vie telle qu’elle est aujourd'hui. Je l’ai reçue de ma femme, une femme avec qui je partage une vie qui est tout sauf légère, simple ou fluide. Cette vie commune, marquée par les lourdeurs émotionnelles, les tensions, et l’impression que quelque chose ne tourne pas rond. Et pourtant, je restais là, comme si c'était mon fardeau à porter, comme si je devais accomplir cette mission.
Un jour, je me suis demandé : pourquoi cette croix est-elle soudain devenue insupportable à porter ? Pourquoi, alors que je la portais depuis des années, elle me semble maintenant être un poids de trop ? C'était peut-être une métaphore vivante de ma relation avec ma femme. Un lien qui n'est plus nourri par la légèreté ou l'amour, mais plutôt par des non-dits, des frustrations, et cette sensation constante que quelque chose me bloque, m’empêche d’avancer. Comme si je portais cette croix, tout comme Jésus portait la sienne, avec cette couronne qui lui empêchait de se connecter pleinement au ciel.
Je me retrouvais à réfléchir à ce que cela voulait dire pour moi, pour nous. Était-ce le signe que je devais laisser tomber ce fardeau ? Était-ce un rappel de la mission que je me suis inconsciemment donné : rester, endurer, trouver un sens dans cette souffrance, comme si ma propre croix devait être portée jusqu’au bout ? Mais à quel prix ?
Les pensées tourbillonnaient dans ma tête. D’un côté, ce désir de tout lâcher, de poser cette croix, de me libérer de ce poids qui me tirait vers le bas. De l’autre, cette peur. Cette peur de l’après. Que se passerait-il si je laissais tout ça derrière moi ? Serais-je enfin en paix ou est-ce que je découvrirais un autre fardeau, plus grand encore ? Est-ce que je suis prêt à affronter le vide qui suit la libération ?
Les sensations étaient claires. Ce pendentif me pesait comme un rappel constant de ce que je vivais au quotidien. Chaque jour où je le portais, je ressentais cette tension dans ma poitrine, ce souffle coupé. C’était comme si cette croix m’empêchait de respirer pleinement, de vivre pleinement. Mais alors, pourquoi continuer à la porter ? Pourquoi ne pas m'en débarrasser, tout simplement ?
Parce qu’on ne se débarrasse pas aussi facilement d’un fardeau qu’on a porté si longtemps. Il faut d'abord comprendre pourquoi il est là, pourquoi on l’a accepté, et surtout, pourquoi il est devenu insupportable. C’est un chemin intérieur. Un chemin de doute, de questionnement. Suis-je en train de fuir ? Ou suis-je enfin prêt à lâcher prise, à laisser partir ce qui ne me sert plus ?
Ce moment de prise de conscience a été intense. J’ai senti que je touchais quelque chose de profond, une vérité cachée. Ce n’était pas seulement une question de croix, c’était une question de vie, de choix, d’identité. Et si cette croix avait été un rappel de la mission que je me donnais moi-même, peut-être étais-je aussi celui qui pouvait décider d’y mettre fin.
Je pense que je suis prêt à poser cette croix, mais comment en être sûr ? Le doute persiste. Peut-être que c’est dans l’acte même de la déposer que je saurai si j’étais prêt. Parfois, c’est en faisant le premier pas qu’on découvre qu’on avait déjà la force en soi. Et c’est peut-être là que réside la véritable libération : dans l’acte de lâcher prise, de faire confiance à ce qui viendra ensuite.
Je porte cette réflexion avec moi, ici, dans cette chambre à Saint-Céré, où je séjourne depuis une semaine. Ce lieu, avec son nom évoquant le divin et la connexion spirituelle, m’offre un espace propice pour m’alléger de ce fardeau. Saint-Céré, peut-être un symbole d’élévation, comme un rappel que même les fardeaux peuvent être portés plus haut pour en faire une source de sagesse. Peut-être qu’ici, loin de tout, je trouverai la clarté nécessaire pour enfin déposer cette croix, pour comprendre si je suis prêt à lâcher ce fardeau et accueillir la légèreté que j’appelle de mes vœux.
Alors, je me tiens là, à la croisée des chemins, prêt à me libérer de ce fardeau, de cette croix. Avec l'espoir que le poids que je ressentais n’était que temporaire, et que, libéré de cette charge, je pourrai enfin retrouver la légèreté qui me manque tant.
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