Quand je me retourne sur mon parcours, il y a un aspect de ma vie qui revient toujours, comme un écho persistant. C’est ma relation avec les femmes. C’est un sujet délicat, plein de non-dits, de culpabilité et de remords. Pourtant, c’est une part de moi que je ne peux effacer, même si, parfois, je préférerais l’oublier. Je me revois, à une époque où je pensais que je ne deviendrais jamais ce que je suis devenu. Un dragueur, un coureur de jupons. Ces mots me brûlent encore aujourd’hui. Je ne voulais pas être ce type-là, mais la vie, ou peut-être une part enfouie de moi, m’a entraîné dans cette direction, presque à mon insu.
Le jeu de la séduction m’a happé. Le frisson des nouvelles rencontres, ces regards échangés, ces gestes qui promettent des mondes à explorer... J’ai fini par m’y perdre. Il y avait une adrénaline qui montait à chaque nouvelle conquête, comme si cela comblait quelque chose en moi. Mais plus je m’avançais dans ce jeu, plus je sentais une forme de vide grandir en moi. C’était subtil au début, un sentiment diffus, presque imperceptible, mais il était là, tapi dans l’ombre de chaque aventure. Une part de moi savait que je ne cherchais pas vraiment à connecter avec l’autre, mais à fuir quelque chose. Quoi ? Je ne savais pas encore. Peut-être moi-même.

À force de multiplier les rencontres, quelque chose s’est brisé. Une lassitude sourde s’est installée. Ce qui autrefois m’excitait est devenu fade. Chaque nouvelle rencontre semblait suivre le même schéma, la même superficialité, comme un scénario qui se répétait inlassablement. Je me retrouvais pris dans ce cycle, incapable d’en sortir, comme si j’étais prisonnier de mes propres désirs. Et à mesure que ce vide grandissait, le dégoût a suivi. Dégoût de moi, de ce que j’étais devenu, mais aussi du sexe. Ce qui était autrefois source de plaisir est devenu une obligation mécanique, dépourvue de sens.
J’ai fini par tout rejeter. Les relations. Le sexe. L’intimité. Je me suis enfermé, coupé du monde, coupé de moi-même. L’impuissance n’était pas seulement physique, elle était émotionnelle, presque spirituelle. C’était comme si chaque cellule de mon corps refusait de s’engager, de ressentir. J’étais devenu étranger à mon propre corps, à mes propres émotions. Et dans ce retrait, dans cette solitude forcée, j’ai pris conscience de l’ampleur des dégâts. Ce n’était plus juste une question de séduction, c’était une question d’identité. Qui étais-je devenu dans cette quête insensée de validation extérieure ?
Le silence de ces moments-là était assourdissant. Le vide, oppressant. Et pourtant, c’est dans ce silence que j’ai commencé à entendre des vérités que j’avais étouffées depuis trop longtemps. J’ai dû tout déconstruire. Chaque couche de fausse identité, chaque masque que j’avais porté pour plaire, pour séduire, pour combler ce vide intérieur. C’était douloureux, presque insupportable, mais nécessaire. Ce processus de déconstruction m’a permis de me retrouver. Lentement, j’ai commencé à faire la paix avec mes démons, avec mes blessures, avec cette partie de moi que je fuyais depuis toujours.
C’est dans cette plongée intérieure que j’ai trouvé la voie qui m’a mené à devenir thérapeute. Ce chemin que j’ai parcouru, ces souffrances, ces erreurs, m’ont permis d’accompagner d'autres dans leur propre quête de guérison. J’ai compris qu’on ne guérit pas en accumulant les expériences extérieures, mais en plongeant dans ses propres profondeurs. Et paradoxalement, c’est en touchant le fond que j’ai trouvé la force de remonter.
Les pensées qui traversaient mon esprit à l’époque étaient confuses, mais un fil conducteur restait toujours présent : cette société qui nous pousse à performer, à être désiré, à accumuler des relations comme des trophées. Cette pression sociale nous écrase, elle nous pousse à chercher l’extérieur, là où tout ce qui compte vraiment est à l’intérieur. J’avais perdu la connexion à mon être, à ce que je suis vraiment, et j’étais devenu un étranger pour moi-même.
Aujourd’hui, je vois les choses différemment. Ce n’est plus une question de séduire, de plaire, de prouver quoi que ce soit. C’est une question d’alignement, de se retrouver soi-même avant de pouvoir être avec quelqu’un d’autre. Cette quête extérieure n’avait fait que nourrir mes insécurités, alors que la vraie force réside dans la connaissance de soi, dans l’acceptation de ses faiblesses et de ses blessures.
Ce que j’ai longtemps perçu comme une faiblesse — mon retrait, mon impuissance, ce rejet de l’intimité — est devenu une force. Une force qui m’a permis de me reconstruire et de comprendre ce que beaucoup vivent sans jamais oser l’exprimer. Et c’est cette force que je transmets désormais à ceux qui viennent me voir, perdus dans leurs propres schémas destructeurs. Je leur apprends que parfois, il faut s’effondrer pour mieux se relever, que le véritable pouvoir se trouve dans l’acceptation de notre vulnérabilité.
Chaque personne que je rencontre, chaque histoire que j’entends, résonne avec ma propre expérience. Je leur dis souvent qu’il faut oser plonger dans ce qui fait mal, dans ce qui effraie, pour trouver la lumière. Parce que ce n’est qu’en touchant le fond qu’on peut réellement comprendre qui l’on est, et ce qu’on veut vraiment devenir.
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